Retour à Lorient de la mission Tara : les microplastiques contaminent aussi les fleuves européens

Retour ce samedi de la goélette Tara à Lorient, son port d'attache. Pendant six mois, les équipes de la mission scientifique ont sillonné les fleuves d'Europe afin d'établir un diagnostic de la pollution plastique. Omniprésents dans les fleuves, ces microplastiques aboutissent dans les océans.

 

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La goëlette Tara est rentrée au port, à Lorient, sous le soleil après une expédition de six mois. Depuis dix ans, la fondation étudie les déchets plastiques et microplastiques dans les mers et les océans. Cette fois, les scientifiques se sont intéressés à ce qui se passe en amont, dans neuf des plus grands fleuves d'Europe, pour  savoir "d'où ils viennent, où ils vont, comment ils s'accumulent", explique Jean-François Ghiglione, scientifique du CNRS responsable de l'expédition. Des déchets omniprésents dans les fleuves. Ainsi chaque minute, c'est l'équivalent d'un camion-benne de plastiques qui se déverse en mer. Comme il est illusoire de vouloir nettoyer la mer ou les fleuves, il faut agir avant, sur la réduction des déchets plastiques
 

80% des plastiques présents dans les océans viennent des fleuves


Quelques heures avant d'arriver à Lorient, la goëlette s'était mise à l'abri au mouillage devant l'île de Groix pour partager cette aventure. 47 chercheurs se sont succédés à bord depuis le mois de mai, pour étudier neuf fleuves européens. nous savons que 80% des plastiques qui arrivent en mer proviennent de la terre. Tara a donc voulu remonter le chemin de la pollution jusqu'à la source. Des prélèvements ont été effectués en mer, mais aussi en amont et en aval des fleuves, et le constat est sans appel. "On a systématiquement trouvé du microplastique", sur 45 sites répartis sur la Tamise, l'Elbe, le Rhin, la Seine, le Tibre, l'Ebre, le Rhône, la Loire et la Garonne, au large, dans l'estuaire et sur trois autres emplacements plus en amont des cours d'eau, révèle Jean-François Ghiglione, "C'est assez dramatique"
 
 

Des plastiques dégradés dans les fleuves


Huit millions de tonnes de plastique sont donc déversées chaque année dans l'océan, dont 80% proviennent de la terre, selon des estimations. Les scientifiques ont longtemps pensé que ces déchets se décomposaient en pleine mer sous l'effet des vagues et du soleil. Mais les 46 scientifiques de 17 laboratoires impliqués dans cette mission unique ont constaté qu'ils sont déjà dégradés dans les fleuves
    

Réduire les déchets plastiques


"Il faut arrêter le flux" de déchets plastiques sur terre car il est impossible de nettoyer les océans, insiste Romain Troublé, directeur général de la fondation Tara Expéditions.    L'Union européenne, deuxième plus gros pollueur après l'Asie selon Tara, interdira certains objets en plastique à usage unique en 2021. La France travaille actuellement à une loi sur la lutte contre le gaspillage et pour l'économie circulaire. Mais une des mesures phares, la consigne des bouteilles plastiques, semble toutefois avoir du plomb dans l'aile après que le président de la République Emmanuel Macron a dit qu'elle ne se ferait pas sans l'accord des maires. Une annonce accueillie avec "inquiétude" par la fondation Tara, qui milite avec des ONG pour une réduction de l'usage et des déchets plastiques, avance Henri Bourgeois Costa, porte-parole mission plastique de la fondation.
      

Prélèvements d'échantillons à analyser


Au cours de leur mission, les scientifiques ont effectué des prélèvements à la surface de l'eau, plus en profondeur et sur les berges. Ils ont récolté des débris de plastique, mais aussi placé des moules et des plastiques "témoins" dans des nasses pendant un mois. L'objectif est de comprendre d'où viennent ces plastiques, mais aussi leur impact sur les organismes marins et leurs effets sur la chaîne alimentaire. Les 2.700 échantillons vont à présent être analysés en laboratoires et les conclusions seront connues d'ici deux ans. "C'est une opportunité d'avoir (...) une vision globale sur l'ensemble de l'Europe", souligne Leila Meistertzheim, biologiste.
    

Dentifrices et cosmétiques


Les premières observations permettent déjà de dire que ces microplastiques comprennent des microbilles présentes dans des dentifrices et des cosmétiques, en plus des  particules issues de plus gros déchets. Lors d'une mission en Méditerranée en 2014, il était apparu que les principales sources de microplastiques étaient "le secteur de l'emballage, de la pêche, les fibres textiles" synthétiques, énumère Stéphane Bruzaud, spécialiste des polymères. Reste à voir si la provenance sera la même ou pas dans les fleuves. 
    

Simplifier la formulation des plastiques, ingérés par les poissons, puis les humains


Ces microplastiques peuvent relarguer leurs additifs dans l'eau ou absorber des polluants. Ce qui pose problème quand ils sont ensuite ingérés par des poissons, dont certains sont consommés par les humains. "Il y a un cocktail d'additifs qui vont polluer l'environnement, d'où l'idée de simplifier la formulation des plastiques", indique le chercheur.  Les microplastiques posent aussi problème car ils peuvent servir de radeaux pour des bactéries pathogènes ou des espèces invasives.
 

Le reportage à Lorient (56) de Claire Louet, Stéphane Soviller et David Mérieux

Interviews : Jean-François Ghiglione, directeur scientifique - Leïla Meistertzheim, biologiste marin - Stéphane Bruzaud, chimiste
 
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